Depuis 2008, le ministère de la Défense et des Anciens Combattants mène une politique active d'achat responsable par le biais de sa mission Achats. Focus sur les bonnes pratiques liées aux achats durables du ministère, tant au regard des enjeux environnementaux que sociétaux et économiques.
Créée en 2008, la mission Achats du ministère de la Défense témoigne de la volonté de l'Etat de faire de "la commande publique un puissant levier pour démultiplier ses actions en matière de développement durable", explique son directeur Jean Bouverot lors d'un colloque sur les achats responsables organisé avec l'Observatoire des achats responsables (ObsAR) en janvier dernier.
La réforme du Code des marchés publics et la mise en oeuvre du Plan national d'action pour des achats publics durables posent les premiers jalons de l'achat responsable pour les acheteurs publics. La circulaire du Premier ministre, datée du 3 décembre 2008 et la première loi d'application du Grenelle de l'environnement de 2009 fixent 20 grands domaines dans lesquels l'Etat se doit d'être exemplaire.
L'achat responsable intègre dès lors des critères en faveur de la protection et de la mise en valeur de l'environnement, du progrès social et du développement économique. Ces trois piliers en font un achat plus qualitatif, prenant en compte d'autres paramètres que le seul coût initial. Mieux disant en termes environnemental et social, il s'évalue en coût complet.
Quels enjeux pour le ministère de la Défense ?
Premier acheteur public (hors armement), le ministère de la Défense s'implique dès 2007 avec une première directive ministérielle et un plan d'action ministériel triennal (2007-2009). Depuis, l'action du ministère n'a eu de cesse de s'amplifier : actualisation de la directive ministérielle et préparation d'un troisième plan.
Le ministère a engagé une démarche globale de réduction des coûts en créant dès 2008 une mission achat. Les économies attendues sont de 5 à 10 % à l'horizon 2014-2015, sur une enveloppe annuelle estimée en 2007 à 3 890 milliards d'euros.
"Les deux principaux axes de travail de la mission sont la performance économique et la professionnalisation de la filière des acheteurs. La mission coordonne les achats courants et les achats métiers du ministère et identifie des leviers de réduction de coûts. Pour les atteindre, nous travaillons à l'élaboration de méthodes et d'outils communs à l'ensemble des services acheteurs du ministère", explique le capitaine Alice Babski, chargée de mission auprès du pôle professionnalisation. "19 agents y travaillent et épaulent les quelque 3 000 acheteurs dans leurs tâches quotidiennes", poursuit-elle.
Comment l'achat peut-il participer à la promotion du développement durable ?
Plus qu'une contrainte supplémentaire, l'achat responsable est une nouvelle façon d'acheter. Le ministère de la Défense s'attache à privilégier des produits et services respectueux de l'environnement, à favoriser l'insertion des personnes handicapées ou éloignées de l'emploi tout en sensibilisant le prescripteur, l'acheteur et l'entreprise à des comportements éco-responsables.
La réhabilitation de la caserne Mortier à Paris est exemplaire en matière d'insertion. Une clause sociale du marché public a permis de réaliser 4 604 heures d'insertion. Sur les 5 contrats en SIAE (structure d'insertion par l'activité économique) : 3 ont débouché sur un CDI et 1 sur un CDD de dix mois. Fort de ce succès, Jean-Paul Bodin, secrétaire général de l'Administration, a réaffirmé l'engagement du ministère en matière d'insertion en signant un partenariat avec la maison de l'Emploi de Paris. Celui-ci prévoit un accompagnement juridique pour faciliter l'introduction de clauses sociales dans tous les marchés publics du ministère.
Dans un autre domaine, l'initiative de l'Economat des armées en Guyane pour l'approvisionnement en fruits et légumes des troupes basées à l'est du territoire a contribué fortement au développement économique local. Un partenariat avec les producteurs, réunis en coopérative agricole, permet aujourd'hui d'assurer les besoins quotidiens du restaurant administratif. La mise en oeuvre de ce circuit court a deux avantages : il assure un débouché à la production locale et les militaires consomment des produits frais et de qualité à moindre coût.
Une implication de l'ensemble des acteurs
Le changement d'approche passe avant tout par la formation, l'accompagnement et la prise en compte de l'évolution du métier d'acheteur. "Créer une véritable filière pour professionnaliser les acheteurs est la clé de la réussite, explique Alice Babski. La formation initiale et continue, la gestion des carrières et la valorisation du métier sont au coeur de nos préoccupations", conclut-elle.
La ré-actualisation de la directive relative à l'achat responsable est aujourd'hui une étape importante. L'objectif ? Modifier le système de pilotage des achats responsables en l'orientant vers un pilotage participatif des services achats.
Aujourd'hui, l'achat responsable est trop souvent limité aux indicateurs du dispositif financier de bonus-malus(2). Selon les activités des différents services, les objectifs diffèrent. "Les indicateurs de performance ne doivent pas freiner l'innovation des entités, argumente Olivier de Miras, chargé de mission auprès du pôle stratégie. Preuve en est : l'acquisition de 18 000 webcams par la Dirisi n'a pas été comptabilisée comme achat responsable car l'indicateur de performance, lié à la diminution des déplacements professionnels, n'évalue que l'équipement de salles de vidéo-conférence !"
Convaincre les décideurs et les élites administratives de l'intérêt de l'achat responsable est maintenant déterminant. "Les "acheteurs terrain" sont souvent plus en avance que les décideurs publics qui restent en retrait, poursuit-il. De même, pour Jean Bouverot, le défi des achats responsables sera atteint lorsque tous les acteurs (prescripteur, acheteur, entreprise, utilisateur) s'y attèleront.
Pour avoir plus d'info :
- Les organismes passant des marchés publics
- Fiche Pratique : Le développement durable dans les marchés publics
Achat public responsable : les bonnes pratiques du ministère de la défense
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