Voici l’analyse de Laurent Blind, directeur général du cabinet de conseil Caneva qui accompagne les entreprises dans la construction d'une réponse efficace aux marchés publics - www.caneva.fr.
Caneva est également éditeur du site marchespublicspme.com.
Beaucoup de bruit
Tout le monde évoque (presse spécialisée et presse nationale) l’augmentation du seuil en deçà duquel il est possible de ne pas recourir à une publicité. Le seuil de montant estimé du marché public passerait de 15 000 euros à 25 000 euros. Cet achat passé par un organisme public en dessous des seuils est appelé la « procédure de gré à gré ». A notre sens, il ne s’agit pas d’une mesure qui avantagerait les TPE/PME.
Rappelons qu’en deçà de ce seuil, les organismes publics se doivent de respecter tout de même les trois grands principes de la commande publique : liberté d’accès à la commande publique, égalité de traitement et transparence des procédures. En dessous de ces seuils, l’usage accepte une demande de trois devis.
Pour être sollicité par les organismes publics dans le cadre de la « demande des 3 devis », il faut être connu par l’acheteur public. En règle générale, les TPE/PME ne sont pas les entreprises les mieux identifiées les excluant de fait. Se pose également la question de la transparence.
D’autre part, avec la généralisation de la dématérialisation des avis de publicité et des DCE, il est très facile pour un acheteur public de lancer une consultation même en deçà du seuil actuel. En lançant une consultation, l’acheteur public sécurise juridiquement sa procédure et s’assure d’offres de qualité respectant l’objectif de bonne utilisation des deniers public à moindre frais. Nous le constatons déjà actuellement : beaucoup de consultations sont lancées alors que le seuil des 15 000 euros n’est pas atteint (exemple avec les achats fait par les établissements scolaires sur l’AJI). Il est donc fort probable que les acheteurs publics continuent de lancer des consultations pour des marchés de gré à gré même si le seuil passe à 25 000 euros.
A quand une réglementation stable ?
L’augmentation du seuil fait couler beaucoup d’encre dans la presse généraliste et spécialisée suscitant l’intérêt des entreprises et évidement de nos PME. Toutefois, ces changements sont souvent mal perçus par les entreprises et encore plus par les TPE-PME. En effet, alors que ces dernières ont le sentiment de commencer à comprendre le contexte marché public, une nouvelle modification intervient ce qui donne le sentiment d’un secteur en permanente évolution et donc difficile à suivre.
Même si économiquement le code des marchés publics n’est pas parfait, nous plaidons pour un ancrage des principes et seuils actuels afin de ne pas déboussoler les entreprises.
Vers une possible annulation du seuil des 25 000 euros
Enfin, se pose la question de la pérennité de cette mesure et de l’effet d’annonce. Rappelons qu’en 2009 le seuil des marchés de gré à gré est passé de 4 000 euros à 20 000 euros pour redescendre à 15 000 euros suite à une décision du Conseil d’Etat, estimant le seuil de 20 000 euros trop élevé. Depuis cette évolution, il n’y a pas eu d’événement ou de jurisprudence qui démontrerait l’intérêt de passer le seuil à 25 000 euros. Il est donc fort probable que le Conseil d’Etat rende un avis équivalent à savoir rabaisser le seuil à 15 000 euros.
Dans ce cas, nous tournons donc bien en rond avec l’impression donnée aux entreprises, et avant tout à nos PME, d’une évolution constante du code des marchés publics, les désintéressant de ce secteur. Le résultat final est donc à l’opposé de celui attendu.