Le Conseil d’Etat a récemment reconnu l’existence d’un décompte général et définitif tacite en l’absence de notification du décompte par le pouvoir adjudicateur dans le délai qui lui est imparti.
Si, le 25 juin 2018, la Haute juridiction avait déjà eu l’occasion de rappeler la procédure applicable à l’obtention d’une décompte général et définitif tacite prévues par les dispositions de l’article 13.4.4 du cahier des clauses administratives générales, elle avait toutefois refusé en l’espèce d’en reconnaître l’existence en raison du défaut de notification du décompte final de l’entrepreneur au maître d’ouvrage (CE, 25 juin 2018, Société Merceron Travaux Publics, req. n° 417738).
Par un arrêt rendu le 25 janvier 2019, le Conseil d’Etat a, cette fois, constaté l’établissement d’un décompte général et définitif tacite au bénéfice du titulaire d’un marché public de travaux.
En effet, il a considéré ce qui suit :
« 5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges des référés que la société Self Saint-Pierre et Miquelon a notifié sa demande de paiement finale à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et au maître d'œuvre respectivement les 12 et 19 juin 2017. La collectivité territoriale n'ayant pas notifié le décompte général à la société Self Saint-Pierre et Miquelon à l'expiration des délais prévus à l'article 13.4.2 du CCAG précité, la société lui a notifié le 3 août 2017 un projet de décompte général. En l'absence de réponse de la collectivité territoriale dans le délai de dix jours prévu à l'article 13.4.4 du CCAG, la société Self Saint-Pierre et Miquelon s'est prévalue devant le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux de l'existence d'un décompte général et définitif né tacitement le 14 août 2017, en application des stipulations précitées du CCAG, pour justifier sa demande de provision. En rejetant celle-ci au motif que les parties avaient conclu, le 18 juillet précédent, un avenant au marché ayant pour objet de prolonger jusqu'au 31 janvier 2017 le délai d'exécution des travaux sans contrepartie financière pour le titulaire du marché et que le marché avait été conclu à prix forfaitaire, sans tenir compte du fait qu'un décompte général et définitif existait, et alors qu'elle ne relevait pas qu'en signant un avenant les parties auraient entendu déroger aux stipulations contractuelles précitées du CCAG, le juge des référés de la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son ordonnance d'une erreur de droit. La société Self Saint-Pierre et Miquelon est dès lors fondée à en demander l'annulation. »
En l’espèce, la circonstance que les parties avaient signé un avenant pour prolonger la durée du marché, lequel ne prévoyait aucune hausse de la rémunération du titulaire puisque le marché avait été conclu à prix forfaitaire, n’a pas été retenue par le juge de cassation comme empêchant l’application des dispositions du CCAG relatives à l’établissement du décompte.
Ainsi, en l’absence de notification du décompte général au titulaire par le pouvoir adjudicateur dans le délai de 10 jours suivant la réception du projet de décompte final de l’entrepreneur, le décompte initialement notifié par le titulaire est devenu définitif, et ce, quand bien même le maître d’œuvre lui aurait adressé des observations et que le projet de décompte du titulaire ne comprenait pas le dernier projet de décompte mensuel.
Partant, au Conseil d’Etat d’énoncer que « ni la méconnaissance du principe de loyauté dans les relations contractuelles ni [le] principe selon lequel une personne publique ne peut pas être condamnée à payer une somme qu’elle ne doit pas » ne peuvent être invoqué par la personne publique « pour soutenir que la créance de la société est sérieusement contestable ».
En conséquence, conformément à la procédure prévue par les dispositions des articles 13.4.2 et 13.4.4 du CCAG Travaux, à défaut de notification du décompte général par le pouvoir adjudicateur postérieurement au délai de 10 jours suivant réception du projet de décompte de l’entrepreneur, le décompte établi par le titulaire du marché devient définitif. Dès lors, il est fondé à réclamer paiement des sommes inscrites dans son projet de décompte.
CE, 25 janvier 2019, Société Self Saint-Pierre et Miquelon, req. n° 423331
Article en partenariat avec : Hourcabie Avocats, Cabinet d’avocats dédié au droit public des affaires et au droit de la construction publique et privée.