Par un arrêt en date du 8 décembre 2020, le Conseil d’État a condamné une entreprise reconnue coupable d’avoir présenté, par le biais de ses filiales, une offre double pour un même marché. Retour sur les circonstances de cette condamnation.
Cas d’espèce : un accord-cadre multi-attributaire alloti
Dans le cadre d’un accord-cadre multi-attributaire relatif à des travaux d’aménagement, de réparation, d’entretien, de rénovation des bâtiments et ouvrages lui appartenant lancé par la métropole Aix-Marseille-Provence, deux sociétés avaient candidaté pour un même lot par la présentation d’offres identiques. Une autre société, candidate, elle aussi, pour ce lot portant sur des prestations de « plomberie, ventilation et climatisation-zone sud », fut classée quatrième au terme de la phase d’analyse des offres, ratant de justesse une occasion d’être parmi les attributaires, le lot n’étant destiné à être confié qu’à 3 candidats.
Suite au constat de l’appartenance de 2 des 3 sociétés attributaires du lot à un même groupe, le candidat malheureux introduisit devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille une requête tendant à l’annulation de la procédure de passation et à sa reprise au stade de l’analyse des offres. Elle demanda également par le même biais que soient écartés de cette procédure les offres des 2 sociétés filiales du même groupe ayant présenté des offres identiques. Le juge administratif fit droit à toutes ces demandes, décision que la métropole Aix-Marseille-Provence et les 2 sociétés en cause attaquèrent.
L’autonomie commerciale, gage de la distinction de sociétés filiales d’un même groupe et candidatant à un même marché public
Le Conseil d’État, à qui il revint de traiter l’affaire, raisonna en 2 temps. Se fondant en premier sur l’article 13 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 ainsi que sur les articles L 1220-1 et suivant du Code de la commande publique, il considéra que le principe selon lequel deux personnes morales différentes doivent être regardées comme constituant des opérateurs économiques distincts n’excluait pas le fait qu’ils puissent être vus « comme un seul et même soumissionnaire lorsque le pouvoir adjudicateur constate leur absence d’autonomie commerciale, résultant notamment des liens étroits entre leurs actionnaires ou leurs dirigeants, qui peut se manifester par l’absence totale ou partielle de moyens distincts ou la similarité de leurs offres pour un même lot ».
Ce principe une fois établi, il fut jugé, sur sa base, que les offres litigieuses, émanant de 2 sociétés filiales d’un même groupe et identiques, ne pouvaient légalement être considérées comme des « offres distinctes présentées par des opérateurs économiques manifestant leur autonomie commerciale ». Le Conseil d’État entérina par conséquent la décision du tribunal administratif de Marseille, estimant qu’il n’avait pas commis d’erreur de droit en concluant que « la métropole devrait être regardée comme ayant retenu, pour le même lot, deux offres présentées par un même soumissionnaire ».