Dans un arrêt récent, le juge du référé précontractuel du Tribunal administratif de Versailles est revenu sur la possibilité pour les acheteurs publics de se fonder sur les notes techniques attribuées pour éliminer certaines offres, une possibilité qui ne peut advenir que sous certaines conditions. Voici l’essentiel à en retenir.
Le mécanisme de la note éliminatoire, une consécration jurisprudentielle
Pour rappel, il n’est prévu, dans le Code de la commande publique, aucune disposition relative au rejet d’une offre sur la base d’une note technique éliminatoire. Ce mécanisme a été consacré par la jurisprudence administrative et communautaire.
Une décision de la CJUE en date du 20 septembre 2018 a d’ailleurs confirmé la conformité de ce mécanisme aux objectifs des directives marchés publics ainsi qu’aux grands principes de contrôle des marchés publics. Elle admet en effet que « les pouvoirs adjudicateurs disposent […] de la liberté de déterminer, conformément à leurs besoins, notamment le niveau de qualité technique, que les offres soumises doivent assurer en fonction des caractéristiques et de l’objet du marché en cause et d’établir un seuil minimal que ces offres doivent respecter d’un point de vue technique ». Sur la base de ce principe, il est loisible aux pouvoirs adjudicateurs d’éliminer, sans prendre en compte le critère du prix, les offres n’ayant pas atteint le seuil technique fixé en ceci que ces offres ne répondraient pas à leurs besoins. Un tel choix n’est néanmoins possible que sous une seule condition : celle rappelée par la DAJ dans sa fiche consacrée à l’examen des offres : l’information des candidats sur l’incidence de la note technique sur le choix de l’opérateur à qui sera attribué le marché.
Le niveau d’élimination, un élément à soumettre à l’appréciation du juge du référé précontractuel en cas de contentieux
La liberté des acheteurs publics relative à l’utilisation d’une note technique éliminatoire à la phase d’examen des offres est contrebalancée par le contrôle du juge qui devra, en cas de contentieux, porter son appréciation sur l’importance de la note technique éliminatoire. Il s’agira pour le magistrat, en ce cas, de se baser sur la spécificité des prestations à effectuer, pour juger si le niveau technique envisagé par l’acheteur est bien proportionnel avec le nombre de points accordés à la note éliminatoire. Cette précaution a pour but d’éviter tout rejet arbitraire d’offre sur la base d’une note technique éliminatoire.
Un contentieux résolu le 21 septembre 2020 par le Tribunal administratif de Versailles illustre bien cette notion de nécessité d’équilibre. Dans l’affaire en cause où un candidat évincé soutenait que la méthode de notation des offres avait des conséquences disproportionnées, le Tribunal, lui, considérait que le niveau d’élimination était « clairement en rapport avec l’objet du marché » et qu’il tendait à « garantir l’aptitude des prestations à satisfaire la fonction qui leur est assignée, dans les conditions particulières prévues par les documents de la consultation ». Tout se joue donc au niveau de complexité technique du marché.