Si elles ont toutes proposé des amendements au
projet d’ordonnance transposant les directives européennes sur les marchés
publics, la contribution des fédérations professionnelles diffère grandement
selon les sujets abordés. Ainsi, si certaines comme la Fédération Nationale des
Travaux Publics (FNTP) et la Fédération Française du Bâtiment (FFB) sont
globalement satisfaites et se réjouissent des nouveautés à venir, d’autres reconnaissent
un certain progrès mais restent particulièrement vigilantes à l’évolution de
l’ordonnance, comme le syndicat national des entreprises générales françaises (EGF
BTP) et la fédération des syndicats des métiers de la prestation intellectuelle
du Conseil, de l'Ingénierie et du Numérique (Cinov). Les autres, comme les
architectes ou la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du
Bâtiment (Capeb), ne cachent pas leurs inquiétudes.
Résumé des grands points qui ont suscité des
commentaires de la part des fédérations (voir également la réaction de la SNSO) :
L’Allotissement
Un des sujets qui suscite
le plus de divergences : L’EGF BTP et la FFB sont plutôt satisfaits, même si le
premier déplore le risque de distorsion de concurrence si le texte reste tel
quel et que le second souhaite simplement le rendre obligatoire pour les
marchés de fourniture d’énergie afin de ne pas exclure les entreprises du
bâtiment dans le cas de demande globale. La Capeb, en revanche, est très
inquiète car elle trouve la formulation actuelle beaucoup trop éloignée de ce
qui est prévu dans les textes européens et le considère même comme une
régression, le nombre de dérogations existant risquant de porter préjudice à
l’accès direct dont disposaient jusqu’à maintenant les artisans. La Capeb
souhaite donc une réécriture de l’article 27, afin de le rendre plus proche
possible de l’actuel article 10 du Code des Marchés Publics, ou du moins
supprimer la liste des dérogations.
Les Contrats
globaux
L’EGT BTP est seul à se
réjouir de la promotion des contrats globaux. La Cinov craint le risque de massification et
la perte de la logique de maîtrise d’œuvre, tout en reconnaissant le besoin
d’évoluer vers une logique de résultat. De même, la FNTP estime qu’il y a un
certains nombre de points à éclaircir (cadre, éléments du marché, évaluation
préalable, rémunération du titulaire…) et suggère un nouveau type de marché
global pour les marchés inférieurs à 15 millions d’euros HT, avec un prix
maximal fixé d’avance, ce qui permettrait d’attribuer le marché à l’offre la
plus avantageuse en termes techniques et de qualité de services.
A l’opposé, l’ordre des
architectes regrette la disparition des autres types de contrat (marchés de
conception-réalisation, marché de réalisation, exploitation, maintenance…) et estime
que cette généralisation du contrat global déborde du champ d’habilitation sur
la simplification de la vie des entreprises (loi du 20 décembre 2014), ce qui
va limiter dans le temps l’utilisation des marchés de conception-réalisation
pour le logement social, en dépit de la loi Boutin. La Capeb propose, elle, d’en
limiter le recours en imposant de le justifier.
Les Contrats de Partenariat (ancien PPP)
C’est le thème qui
remporte le moins d’adhésion. Ainsi, l’EGF BTP critique la fusion en un contrat
de plusieurs existants, qui fonctionnaient très bien. Ils demandent donc de conserver
des éléments comme les clauses obligatoires à insérer dans le contrat (durée,
conditions du partage des risques,
objectifs de performance assignés au co-contractant…), de clarifier ou réaffirmer
certains points comme l’évaluation préalable, les modalités du bilan favorable,
les recettes annexes et les pré-loyers. De même, la FFB et la Cinov redoutent
l’exclusion des PME des contrats de partenariat avec la disparition des BEA et
des AOT et de la logique de maîtrise d’oeuvre, qui avaient une véritable
utilité pour les petites opérations, jugeant les contrat de partenariat comme
des procédures trop lourdes pour les collectivités non habituées. La Cinov voit
les PPP utiles comme outil complémentaire, en les maintenant à l’exploitation
et à la maintenance, et non la norme, et souhaite garder la loi MOP. La Cinov
se prononce également contre l’entrée des structures publiques dans les
contrats de partenariat (Article 73). La FNTP n’est également pas satisfaite et
attend plus d’informations qui la rassurerait sur la préservation de la
flexibilité et des caractéristiques propres d’un tel contrat.
Plus nuancée, la Capeb
souhaite toutefois limiter le recours aux contrats de partenariat aux cas
d’urgence impérieuse et de complexité, reprenant les anciens critères, disparus
dans la nouvelle ordonnance au profit de celui du bilan favorable. Une hérésie
également pour la Cinov et l’Ordre des architectes, qui considère le critère du
bilan favorable comme un « fourre-tout », inefficace. L’EGF BTP se
prononce également à ce sujet et demande un éclaircissement sur les modalités d’utilisation
du bilan favorable.
Le seuil plancher suscite
également de vive réaction. En effet, la Cinov est la seule favorable à un
seuil élevé (au moins à 50 millions d’euros) pour ne pas mettre en danger les
métiers de l’OPC (ordonnancement, pilotage et coordination), même si l’Ordre
des architectes rejoint l’idée d’un seuil pour garantir la soutenabilité
budgétaire des opérations. Au contraire, d’autres pensent qu’un seuil trop
élevé exclurait un certain nombre de projets, comme les marchés d’éclairage
public ou de système d’information, selon la FNTP ou exclurait la candidature
de PME selon l’EGF BTP et la FFB (ou à un seuil bas à 2 millions d’euros).
La FFB s’inquiète également
de l’article 51 qui semble rendre possible le paiement différé sur certains marchés
globaux, ce qui évincerait systématiquement les entreprises du bâtiment. Elle
insiste donc sur la garantie de paiement et propose même de garantir une avance
majorée de 10% du montant du marché ou du lot.
Enfin l’Ordre des
architectes regrette l’absence de disposition concernant la rémunération des
candidats pour les prestations fournies dans le cadre des consultations.
Les
Offres anormalement basses
La FNTP est d’accord sur les dispositions concernant
les offres anormalement basses, contrairement à l’ordre des architectes, qui
regrette l’absence de disposition à ce sujet et à la Capeb qui veut obliger les
pouvoirs adjudicateurs à les détecter.
Autres
sujets abordés
L’ordre des architectes met l’accent sur la quasi
absence des notions de maîtrise d’œuvre et de concours, ce qui lui laisse à
penser à une remise en cause de la démarche qualité de la production
architecturale. Pour y remédier, il suggère l’ajout d’une procédure de concours
à la suite de l’article 35 (sur les procédures de mise en concurrence). La
Cinov s’étonne également de la suppression du caractère obligatoire du
concours.
La FNTP et L’EGF BTP abordent le thème des
procédures « in house », qu’ils jugent pénalisante et craignent des
dérapages. En effet, en l’état dans l’ordonnance, ces procédures ne respectent
pas, selon eux, le droit à la concurrence français. Si la FNTP demande des
précisions, notamment sur les conditions de recours, l’EGF BTP va plus loin et
préconise un encadrement plus strict et des sanctions en cas de débordement.
La Capeb et la FFB souhaitent également que seules
les entreprises gravement condamnées pénalement soient interdites de concourir.
Dans la même idée, la FNTP trouve dangereux de laisser aux acheteurs publics la
liberté d’appréciation sur ce sujet.
Concernant les critères d’attribution, la FNTP
recommande d’indiquer encore plus clairement que le prix ne peut être le seul
critère. De plus, la Capeb et la FFB insistent sur une meilleure prise en
compte des qualifications dans la sélection des candidats (reconnaissance des
certificats de qualification professionnelle pour la FFB et reconnaissance de
l’apprentissage pour la Capeb).
Enfin, la FFB, comme la FNTP, insiste sur le
maintien de la phase de vérification des candidatures avant celle de l’examen
des offres.
Pour aller plus loin :
- Une question sur les Marchés Publics? Nous vous répondons dans les plus brefs délais.
- Construire un mémoire technique de qualité pour remporter des Marchés Publics.
L’avis des fédération professionnelles sur le projet d’ordonnance marchés publics
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