Le Code de la commande publique a, entre autres objectifs pour vocation d’assurer la transparence dans les marchés publics ainsi qu’une libre et loyale concurrence. C’est en vertu de cette vocation qu’elle offre aux victimes de pratiques anticoncurrentielles la possibilité d’obtenir réparation. Dans un tel cas, la victime est-elle en droit de chercher la responsabilité d’entreprises autres que celle avec laquelle elle a contracté ?
La responsabilité n’est pas forcément liée au contrat
Dans une affaire de pratiques anticoncurrentielles opposant un acheteur public à plusieurs autres sociétés, l’acheteur public avait instruit devant le juge administratif une demande visant à condamner solidairement son cocontractant, les entreprises qui avaient participé à l’entente ainsi que 3 de leurs filiales au versement d’une amende à titre de réparation de préjudice. Les sociétés pour lesquelles l’acheteur requérait la condamnation solidaire s’étaient, dans les faits, entendues pour fixer les prix de vente ainsi que d’autres transactions applicables aux clients. Elles avaient également collaboré entre elles pour se répartir les marchés, élaborer des restrictions quantitatives, hausser les prix et opérer des boycottages, ceci à la seule fin de nuire aux entreprises qui n’étaient pas de leur bord.
Le Conseil d’État, statuant sur cette affaire, reconnut à l’acheteur public le droit de rechercher la responsabilité d’entreprises autres que celle avec qui il avait contracté. En effet, estime-t-elle, « lorsqu’une personne publique est victime, à l’occasion de la passation d’un marché public, de pratiques anticoncurrentielles, il lui est loisible de mettre en cause la responsabilité quasi-délictuelle non seulement de l’entreprise avec laquelle elle a contracté, mais aussi des entreprises dont l’implication dans de telles pratiques a affecté la procédure de passation de ce marché, et de demander au juge administratif leur condamnation solidaire ».
Précision sur la nature de la réparation des préjudices subis liés à la pratique anticoncurrentielle
Les entreprises, dont les pratiques anticoncurrentielles ont eu pour effet d’engendrer un surcoût dans les marchés conclus par leur victime, sont susceptibles de voir leur responsabilité engagée à ce titre et d’être, de ce fait, condamnés au versement d’une amende à titre de réparation des préjudices subis, ceci, même lorsqu’elles n’ont passé aucun marché avec leur victime. De plus, en une telle circonstance, la charge de la preuve de l’impact des surcoûts liés à l’entente n’est pas exclusivement du ressort de l’acheteur.
Dans le cas d’espèce, la Cour administrative d’appel, devant laquelle les entreprises responsables des pratiques anticoncurrentielles avaient attaqué leur condamnation solidaire, avait trouvé justifié le lien de causalité directe entre les fautes commises par les sociétés requérantes et le préjudice subi établi par l’acheteur victime. Le Conseil d’État revenant sur ce jugement entérina cette décision de la Cour administrative d’appel.